Discrimination oubliée mais assassine

Publié le par Lotje_a

Provoquée verbalement, et victime de violence lorsqu’elle avait 12 ans, Géraldine s’en est sortie par son courage, et l’écriture. Une rédaction magnifique sur ce tabou qui doit être combattu d’abord par la parole.

 

 

Ce tabou ignoré bien trop de fois est un monde noir où soufflent la honte, la détresse, la terreur mais aussi la colère. Ce tabou n’est que trop souvent oublié par le racisme et l’antisémitisme, et ainsi, reste dans l’ombre. Chaque année, en France, des milliers d’enfants sont victimes de sévisses discriminatoires, tout comme des milliers d’adultes, commis souvent par des personnes dans leurs entourage : des camardes de classe, des collègues… Des affaires qui suscitent le dégout, la peur. Et le silence. Parce que trouver les mots, les raconter, c’est comme revivre les faits. Pourtant, une adolescente nous a bien voulu éclairer sur certains points.

 

« Je crois qu’il est temps pour moi de mettre les mots sur ce qui m’a longtemps maintenue dans cet infernal labyrinthe du silence. A 12 ans, j’ai été victime de la xénophobie. » C’est un aveu digne et réfléchi. Marie n’a que 18 ans lors de l’écriture de a lettre. C’est une ravissante adolescente au sourire chancelant qui avance dans la vie avec vaillance. Il subsiste des traces de crainte sur son beau visage, et une ombre de tristesse voile ses magnifiques yeux bleus. Devant nous, Marie lit sa rédaction, et la violence de ses mots révèle bien la souffrance que l’on peut souffrir par des xénophobes.

 

«C’était ma rentrée en France. Un sacré épreuve. Puisqu’on ne peut pas revenir en arrière, j’ai appris à vivre avec. J’espérais m’en sortir toute seule, me réveiller en me disant que rien de tout cela n’était arrivé. Je me réveillais toujours, en constatant que ce n’était pas qu’un cauchemar… mais quelque chose de bien réel. »  

C’est dans l’écriture qui pour elle est « un univers spécial créé par le besoin d’échapper à un monde dépressif » que Marie est allée puiser son salut. Elle a écrit dans la langue de Molière maints poèmes, maintes rédactions, et quelques romans à l’âge de 18 ans.

 

Une seule de ses rédactions cependant possède tout notre intérêt : La première fois que je l’ai vu… C’est en effet la rédaction qu’elle a écrite en troisième, lorsqu’elle avait 13 ans. Là voici, le témoignage d’une adolescente victime de la xénophobie:

 

La première fois que je l’ai vu…

 

Le 3 septembre 2003, c’était ma première rentrée au collège Vendôme en classe de 4ème

Lui, la première fois que je l’ai vu, c’était ce jour là. Je l’ai trouvé tout de suite vantard, arrogant, moqueur, intolérant.

Son apparence physique était semblable à celui d’un batailleur, agressif, dur. Seule sa tête paraissait plus douce, mais elle était trompeuse. Ce visage qui semblait gentil ne m’inspirait aucune confiance. À ce moment je n’avais plus confiance en personne.

Dés le début, j’ai eu le pressentiment que j’allais avoir des problèmes avec ce garçon.

Les faits allaient très vite me donner raison. Après quelques cours, tout le monde savait que j’étais belge et que j’avais des difficultés avec la langue française.

C’est à partir de ce moment que mes ennuis ont commencé.

Lui avec quelques autres garçons qu’il avait entraînés avec lui ont commencé à se moquer de mon accent. Ensuite, ce fut des insultes, les bousculades dans les couloirs sont arrivées. Un jour je suis rentrée à la maison avec des ecchymoses (des bleus) sur les chevilles.

Quand je leur demandais d’arrêter, ils rigolaient et lui encore plus que les autres. Toute sa méchanceté ressortait à ce moment là. Il prenait plaisir à déformer mon nom.

Je croyais à la fin de l’année dernière que tout allait changer, que je m’étais trompée sur ses garçons, et de lui en particulier.

Mais ma dernière impression a été fausse.

Malheureusement, cette nouvelle année scolaire commence de la même manière que l’année dernière, sauf que c’est encore pire. Mes pressentiments de la première fois se sont confirmés en 2004.

Il a à nouveau commencé. Avec sa bande, il a continué à me jeter dessus des gommes, des stylos, et des chewing-gums.

Maintenant, il crée des autres bandes avec ceux du 4ème, même si nous sommes déjà en 3ème.

Je ne le pensais pas gentil, aujourd’hui je sais qu’il est cruel et qu’il sait faire très mal avec des mots, car il n’est même pas capable de même battre une fille, parce qu’il est trop faible.

Avec lui, j’ai découvert l’orthographe, le sentiment et la réalité vécu de la xénophobie.

Toute mon histoire a un message: ne vexez pas, ni ne faites trop de mal aux gens, cela peut les conduire au suicide.

Avec mon expérience, je peux dire que les apparences des gens reflètent leur caractère. J’espère quand même me tromper.

 

Ce témoignage émouvant se veut un message d’espoir, il vise à inciter les jeunes confrontés à cette situation destructrice à sortir du mutisme dans lequel ils se sont enfermés. Cette rédaction tente, surtout, à faire en sorte que la xénophobie ne soit plus un oubli parmi le racisme et l’antisémitisme, et à montrer que le premier pas pour s’en délivrer, pour secourir, ou pour se faire aider, c’est la parole. Car le silence est destructeur !

 

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