le 4 janvier 2010

Publié le par Lotje_a

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Ma très chère Marie,

 

Me voilà, prête à te dévoiler ce qui m'arriva le lendemain matin...

Aux premières lueurs de l'aube, je me réveillais. Je fus éblouie par la beauté de ce spectacle matinal. Ceci dit, je ne savais même pas que celui-ci allait être le dernier... Le dernier jusqu'à l'arrivée du cinéma en couleur... C'est une magnifique invention du XXème siècle, que tu n'as pas eu la chance de connaître malheureusement; mais revenons-en à cette vérité que j'ai à te dévoiler...

C'était donc l'aurore, semant l'or et l'ivoire à l'horizon qui m'éveilla. De ma cachette sous le pont, je vis l'azur de la Seine pollué par la France et ses cadavres... Je contemplais le Soleil...

Je vis cet astre doré commencer son oblique tour. Si j'avais été égyptienne, j'aurais cru voir Ra se lever avec son majestueux char en or; Ra, parti éclairer le monde pour ses loyaux sujets. J'aurais cru apercevoir ses divins chevaux couverts de flammes et de clarté galoper le long de l'horizon, de l'Est à l'Ouest.

Ô quel beau spectacle n'est-il pas: un levé de Soleil!

Déjà, l'enfant de la rue est éveillé et erre dans les rues de Paris à la recherche de quoi manger. J'étais seule à présent, entourée d'un monde hypoc rite et cruel que je connaissais à peine. Pour la première fois de ma vie, je compris ces enfants obligés de voler pour manger.

Au loin, mais plus proche qu'il ne paraît, j'entendis des oiseaux possèdant un noir ramage avec leurs cris perçants; des corbeaux avec leurs chants affamés au dessus de la ville à la recherche de quelque mort à emporter...

une confuse violence troubla ma pensée... J'avais faim, et mon ventre grondait pour me le faire savoir. Bientôt, j'errais dans les rues à mon tour, à la recherche de quelques mets à me mettre sous la dent. Malheureusement, je n'avais de sou, je n'avais pas de quoi payer.

J'errais dans les rues de Paris du XVIème siècle, le ventre vide...
Je contemplais Paris, comme si je ne 'lavais encore jamais vu: tous ces beaux bâtiments d'éternelle structure, beaux parcs et beaux jardins de la nature gardant toutes les splendeurs des fleurs et des ombrages verts. Certaines langues bien pendues disent qu'un certain Démon y rôde afin de défendre aux hivers d'en effacer jamais la belle et majestueuse peinture. Voyez ces dignes demeures de Roi à la divine architecture en cette ville de Paris, joyeuse et libertine!

Je finis par atteindre la cathédrale de la ville de la romance, la Notre-Dame au sen de laquelle je me refugiais pour prier le bien-être de mes parents dans l'au-delà. Je ne cessais de prier qu'à la fin de la journée. En effet, toute la journée, je l'ai passée devant la croix, agenouillée humblement au devant...

En me levant enfin, je vacillais. Je ne sentis plus mes jambes... Je finis toutefois par atteindre dignement les portes de la cathédrale, cette demeure du divin... Je sortis retrouver ma cachette au bord de la Seine, le berceau de la ville. Mais auparavant je partis retrouver l'opéra, espérant revoir mon sort surgir devant moi.

Tout ce temps déjà, ma très chère Marie, je semblais t'avoir oubliée. Je ne t'avais point oubliée, ma très chère amie, mais je ne voulais point abuser de ta légendaire gentillesse. Je savais que toi et ton époux avaient déjà du mal à joindre les deux bouts à la fin du moi, alors... Bien que la tentation ne manquait pas de t'informer de ma situation miséreuse.

Je ne voulais pas que tu me prennes en pitié, alors, je t'ai laissée un mot, mais pas d'adresse. Je t'ai dit que ma tante m'avait amenée avec elle. Je t'ai mentie, ma très chère, je t'ai mentie! Bien que j'ai quelques tantes, je n'en ai point une qui veuille bien me reconnaître. Je n'existe pas pour elles: je ne suis qu'une simple erreur. Alors, ma très chère amie, je me suis retrouvée toute seule sur le pavé...

à l'heure où je t'écris, on parle de SDF, c'est à dire des Sans Domicile FIxe. On ne se retrouve jamais à la rue par hasard... mais par une malheureuse concordance d'évènements fortuits: la mort de ma mère, puis celle de mon père, et l'accumulation de toutes sortes de dettes ont fait de moi un SDF à l'époque. On parlait alors de voyous, de vagabonds...

Je marchais dans les rues, sans but précis. On aurait pu croire que j'étais alors libre, libre de mes faits et gestes, immensément libre, or je ne l'étais pas. La grande Dame Solitude m'eut entre ses griffes et m'écrasait. Certes, le fardeau des dettes m'était ôtée, mais le poids de la Solitude fut encore plus lourd à porter.

Je savais que je ne reviendrais pas en arrière pourtant. Chaque pas m'éloignait de mon passé. Je n'avais aucune idée de ce que j'allais devenir, et cela me fit rire. Plutôt mourir que de me prostituer! Pourtant... pourtant, je voulais retrouver cet homme...

Ô ma très chère Marie, il ne faut que trois jours pour devenir un SDF convaincant. Heureusement que je ne suis jamais restée aussi longtemps sur le pavé! Qu'aurais-tu pensé de moi sinon, si tu m'avais croisé ainsi?

Je te laisse, car mon amour m'appelle à lui. Il a besoin de moi à ses côtés, et non en t'écrivant. Je t'écris pour soulager ce qui me reste de mon âme, pour te dévoiler la vérité qui me hante... Je te réécrirai bientôt ma chère amie.

 

Bien à toi,

 

Caroline

Publié dans lettres

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